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Kesâï
Né à Merv en 952, Kesâï , vers la fin de
sa vie, renonça au panégyrique pour s'adonner à la poésie
religieuse et morale : chiite, il célébra l'imam Ali et sa famille. Les fragments
transmis par les anthologistes attestent l'originalité de son
inspiration et la maîtrise de son style.
LE PRINTEMPS
Voici venu le zéphyr, la plaine est un paradis, avril a dans les jardins mis un tapis de brocart.
Musc et girofle se mêlent à la senteur des jacynthes, et la brise porte au vin un message de la rosé.
Les eaux
bleuissent pareilles au miroir que l'on polit, l'odeur du santal s'épand rafraîchie avec du vin.
La tourterelle
sur l'orme, le merle sur l'églantier,
le pinson dans le jasmin entonnent leurs mélodies.
Le mont s'est fait d'émeraude et constellé de corail : le prestidigitateur reste ébahi devant lui.
La nuée
venue du désert, telle la robe des moines, porte en son centre l'éclair comme une croix de corail.
L'antilope se promène, dresse la tête et s'élance tantôt vers les monts tantôt vers la plaine et les
vergers.
Le jardin offre à la rosé une ombrelle de soie verte pareille au dais qui jadis de Darius orna le trône.
La rose rouvre les yeux toute humide de l'ondée comme une joue de brocart où perle encore une sueur.
Rouge et noire, l'anémone semble dire oui et non, comme hypocrite et fidèle, comme apparente et cachée.
Le
lis fragile et musqué est la grappe des Pléiades, les rameaux de l'églantier les Gémeaux et le Taureau.
Le bel arbre de Judée, décoré de mille grâces, est fait de rubis balais incrustés dans de l'émail.
La
tulipe est un grenat, la rosée sur son pétale, une perle qu'un plongeur de la mer lui confia.